La vie rêvée d'un ange

Acteur ? Skipper ? Séducteur ? Polynésien ? Français ? Italien ? Pierre Cosso est un peu tout cela à la fois. Rencontre au bout du monde, sur l’eau, avec un personnage multiple, attachant, riche d'une histoire pas banale.
La vie est faite de rencontres. Débarrassons-nous tout de suite de celle qui vous colle une étiquette de "latin lover" ad vitam æternam : c’est bien Pierre qui a séduit la, déjà, très belle Sophie Marceau dans le film de Claude Pinoteau, La Boum 2 ! C’était en 1982, près de trente ans ont passé et il y a certes prescription, mais des milliers d’adolescentes alors transies d’amour s’en souviennent invariablement. Quant aux adolescents que nous étions, nous hésiterons toujours entre une certaine admiration devant l’exploit, une jalousie désormais feinte tant "LA" Marceau est devenue une icône intouchable, et une rancœur tenace pour avoir monopolisé le cœur de toutes nos petites amies potentielles !

Plus sérieusement, et plus proche du thème de votre magazine préféré, la vraie rencontre qui, en partie, détermine le mode de vie de Pierre Cosso aujourd’hui, a lieu dans l’archipel des Baléares, et plus précisément à Formentera au sud d’Ibiza : celle d’un catamaran, qu’il perçoit comme un "grand Hobie Cat habitable". C’est l'un des tout premiers catamarans construits par Gérard Danson : l’Outremer 43' "No limit". Une véritable révélation. Pierre en tombe immédiatement amoureux et n’aura de cesse pendant plus de dix ans de rassembler les moyens d’en faire l’acquisition. Gérard Danson n’est pas du genre à se laisser impressionner par un jeune acteur, mais c’est un grand cœur. Alors, à force de voir l’impétrant passer régulièrement au chantier, de ne le voir manquer aucun salon nautique et de s’entendre répéter invariablement "un jour j’en aurai un !", il finit par le prendre en sympathie. Et effectivement, fin 2002, grâce au soutien des copains et… de la banque, Pierre fait l’acquisition de celui qui est alors le dernier-né de l’architecte-constructeur: un magnifique 45 pieds qu’il baptise du joli nom de "Nusa Dua". Il vit à bord depuis 10 ans maintenant.

Comme souvent, le scénario d'une vie se dessine pendant l'enfance. Il y a d’abord les vents de l'histoire qui poussent la famille Cosso loin de la mer, d'Algérie vers Paris. C'est alors la bibliothèque paternelle qui nourrit l'imaginaire tout au long des années scolaires. L’intégralité des éditions Arthaud y passe, bien sûr. Mais un livre marque plus particulièrement son jeune lecteur: "Le bonheur sur la mer" de France et Christian Guillain. Le récit d’un couple formé en Polynésie et qui y revient depuis l’Europe, à la voile, avec leur enfant. Prémonitoire ou déterminant ?

En attendant, les étés sont vécus comme de véritables libérations. L’ensemble de la famille Cosso reprend la direction du Sud, vers les îles Baléares, et plus précisément la magnifique Formentera. On y passe toutes les vacances sur un petit 24 pieds à moteur. Mais dès 5 ans, Pierre monte à bord de son premier Optimist. A l'adolescence, ce sera le Hobie Cat, 14 puis 16. Son père le suit aux jumelles pour ses premières escapades sur l'îlot d’Espalmador. Il y passe la nuit en véritable apprenti Robinson, mangeant le poisson pêché. Puis viendra le temps des copains, des bateaux des copains et la participation à un maximum de régates locales.

Mais sur les 14 mètres de "Nusa Dua", Pierre découvre un autre monde. Celui de la maintenance quotidienne d’un bateau-maison sur lequel il faut tour à tour savoir s’improviser plombier un jour, électricien le lendemain, ou voilier le jour d’après. Mais ce qui ne lasse pas de séduire Pierre, c’est d’être marin toujours ! Il apprend à surmonter toutes les épreuves, à commencer par un démâtage dès la première traversée entre la France et les Baléares. Mais ce n’est pas un sertissage de galhauban défectueux qui aura raison de sa passion. Il reste intarissable sur les surfs à plus de vingt nœuds, sur les régates qui ont tiré des larmes de joie à son fiston comme lors du dernier Tour de Taha T-Cup 2012, sur le pourquoi et les bienfaits de ses jupes rallongées… Et ce n’est pas une séparation extrêmement douloureuse qui aura raison de son rêve : la Polynésie.

A la fin des années 90, il a refusé une lucrative série télé qui l’aurait pourtant amené tout droit vers l’atoll de ses rêves : les perles du Pacifique. Mais Pierre ne transige pas avec les mythes. La Polynésie, il veut y arriver en bateau, pas en avion ! Alors, quand à force d’obstination l’objectif est atteint, la réalité est encore plus belle que le rêve. Il pleurera d’émotion et d’admiration en arrivant aux Gambiers. Lui qui vient d’un milieu professionnel où l’argent et les egos sont rois, apprend énormément auprès de ces gens d’une authenticité à faire tomber toutes les barrières. Je crois qu’il leur sera éternellement reconnaissant de lui avoir appris à vivre au présent. A ne plus trop se projeter dans le futur, faisant ainsi fi de l’ambition qui dévore le monde.

Alors, après une transat initiatique, plusieurs années dans l’arc antillais où le meilleur (les navigations à grande vitesse, les mouillages paradisiaques, l’arrivée de Lino…) côtoiera parfois le pire (l’ouragan Ivan en 2004 dévaste tout sur son passage mais pas "Nusa Dua" planqué dans la mangrove), la Polynésie l'accueille. Tahiti le retient. Huahiné lui permet de se reconstruire et lui redonne le goût de partager, en la personne de la longiligne Rautea. L'athlète accomplie se transforme en équipière de choc : virements, empannages, envois ou affalages de spis n'ont rapidement plus de secrets pour elle. Et changer "Nusa Dua" de mouillage en l'absence de Pierre, et donc en solitaire, n'est pas pour lui déplaire. Aujourd’hui, le cata est mouillé à Huahiné, dans le lagon, devant la "capitale" Faré. Il profite de son petit tirant d’eau pour être un peu à l’écart de la foule. Depuis son cockpit, on y admire les montagnes qui font penser à une femme allongée dans l’eau, sur le dos, et qui est à l’origine du nom (île de la femme) de ce petit coin de paradis. Séquence pub : dans le seul supermarché de l’île, qui fait également office de presse, Multicoques Mag est le seul magazine de voile disponible. C’est un signe !

Pierre reproduit avec Lino (7 ans), et reproduira demain avec Noa (6 mois), l'apprentissage que lui a prodigué son papa. Lino, roi de l'Optimist et bientôt capitaine d'un Bic Sport, fan de surf et plongeur émérite. Les voiliers de passage sont l’occasion de rencontres enrichissantes et formatrices pour Lino. Skipper japonais, enfants anglais ou japonais, on s’apprivoise vite même si on sait que ce n’est que pour quelques jours ou, pire, quelques heures. Comme tous les enfants de son âge, ce dernier est scolarisé. A la différence notable qu’il se rend tous les matins à l’école primaire de Faré… en annexe. Noa, lui, n'aime rien moins que filer à fond en semi-rigide sur le lagon, confortablement installé sur les genoux de son papa ! La soute à voile tribord, repeinte avec soin dans des couleurs pastel et vaigrée de palmes tressées, a été transformée en nurserie ! Le catamaran continue à recevoir régulièrement des passagers. Avantage de l’espace offert par un multicoque, on y accueille les "clients" en famille. Séduits par cet univers pas banal, ils deviennent le plus souvent autant d’amis.

Malgré la grande distance, le lien familial reste fort. La maman de Pierre vient de confectionner de nouvelles housses pour les coussins du cockpit et papa gère de main de maître, depuis dix ans maintenant, le très beau site internet (www.pierrecosso.com) relatant toute la vie de "Nusa Dua". Sans vouloir faire de plans sur la comète, et malgré tout le charme de la vie polynésienne, Pierre envisage toujours de boucler son tour du monde. Il sent bien que le moment propice approche. Après 12 ans, pour les enfants, c’est plus dur. Les propositions de cinéma ou de théâtre ne sont pas à la hauteur des enjeux d’un rapatriement familial, même temporaire, vers la vieille et lointaine Europe. Alors, la suite du parcours est déjà là dans un coin de sa tête. La Nouvelle-Calédonie d’abord. L’Australie ensuite. Mais surtout l’Inde et la Thaïlande. Puis quitter l’océan Indien par le cap de Bonne-Espérance participera à poursuivre son rêve éveillé. Sur la route du Brésil, Sainte-Hélène lui semble une escale historique incontournable. Puis le Brésil, avant Panama pour, surtout, revenir en Polynésie ! Je mettrai ma main à couper que vous n’avez pas fini de rêver en parcourant les pages du site "d’El Capitano", qui a participé à faire éclore tant de vocations "tourdumondistes" sur deux ou trois coques !

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