
Numéro : HS20
Parution : Juillet / Août 2023
- Tarif au numéro - numérique : 7.50€Magazine numérique
- Tarif au numéro - papier : 10.90€Magazine papier
- Accès aux archives Multicoques Mag Les archives
Le 15 février 2023, le skipper professionnel Stanislas Thuret a annoncé via ses réseaux sociaux qu’il arrêtait la course au large pour raison écologique. Un sportif qui se propulse à la force du vent et qui pourtant juge sa pratique trop polluante, cela peut surprendre. Pourtant, les arguments qu’il présente pour justifier son choix sont suffisamment étayés et partagés par divers collectifs pour que les classes et les organisations de courses commencent à remettre leur fonctionnement en question. Nous vous proposons donc de passer au crible les défis que le monde de la course au large devra relever pour devenir durable – et les moyens pour y parvenir.
Stan Thuret rappelle à juste titre dans son communiqué que toute activité qui contribue à dépasser le quota de 2 tonnes d’équivalent carbone (noté tCO2e) par an par personne – valeur préconisée par le GIEC pour conserver une planète vivable – devrait être remise en question. Le navigateur s’interroge également sur le poids en tCO2e de différents bateaux de course ; c’est l’occasion d’étudier les chiffres dont on dispose.
L’équipe de l’IMOCA 11th Hour a justement effectué une analyse de cycle de vie complète de sa dernière bête de course : on apprend qu’un tel voilier de 60 pieds et 8 t génère l’émission de 553 tCO2e – soit l’équivalent de l’empreinte carbone annuelle de 50 Français. Les facteurs de pollution dans la construction des bateaux de course sont multiples. Pour commencer, ces voiliers sont principalement construits en fibre de carbone. Ce matériau est issu de l’industrie d’extraction minière, reconnue comme l’une des activités les plus polluantes au monde. Le carbone est difficilement recyclable et les fibres sont importées depuis l’autre bout de la planète. Si l’on ajoute à cela les différentes pièces en alliages métalliques et les équipements électroniques, on obtient une extraction minière totale équivalente à celle qui assurerait la fabrication de 130 voitures électriques. La classe IMOCA a mis en place des mesures dans sa jauge pour encourager l’utilisation de matériaux biosourcés. Mais ces mesures favorisent sportivement les équipes dans des conditions restrictives et dans la limite de 100 kg de matériaux alternatifs. Au regard des 3 t de carbone utilisées en moyenne par IMOCA, cela est totalement dérisoire.
Pour d’autres classes comme celles des Ocean Fifty, des Class 40 ou des Mini 6,50, l’usage du carbone et interdit ou limité.
Toutefois, même avec des fibres légèrement moins problématiques pour l’environnement, l’utilisation de résine issue de l’industrie pétrochimique tout comme les process de fabrication restent polluants. La mise en œuvre des matériaux composites nécessite en effet beaucoup de plastique à usage unique, que ce soient les barquettes utilisées pour effectuer les mélanges de résines, les différentes couches de plastiques pour effectuer la mise sous vide et, en fonction de la technique utilisée, les tuyaux et tout le consommable nécessaire à l’injection de la résine.
Le carbone préimprégné utilisé en abondance dans la construction haute technologie des voiliers de course s’affranchit de cette étape de l’injection, mais ce tissu se présente comme un autocollant, laissant derrière lui son support en film plastique. Lors de la construction de 11th Hour, c’est 1,2 t de déchets qui a été pesée – soit plus de 10 % du déplacement du voilier.
Dans le monde, les chantiers qui construisent des voiliers de course sont très peu nombreux, et le prototypage incessant de ces bateaux uniques a laissé ces rares acteurs à l’écart des processus ...
Les avis des lecteurs
Postez un avis
Il n'y a aucun commentaire.