Golden Multi Roz

Multicoques d’un jour, multicoques toujours !

Comme tant d’autres organisations, l’association Golden Oldies Multihulls, qui anime les anciennes gloires de la course au large, est restée en sommeil pendant les confinements liés à la pandémie et au-delà. L’événement Golden Multi Roz au port de Perros-Guirec, sur la côte nord de la Bretagne, était le premier rassemblement de l’association depuis le Covid, et a été organisé avec beaucoup d’enthousiasme. Nous y étions !

On en attendait une douzaine, ils ne furent que quatre…


Le nombre de multicoques attendus pour ce rassemblement à la mi-septembre était largement supérieur à deux chiffres.
Le vent dominant ici est globalement du secteur nord-ouest et aurait dû faciliter le passage de la majorité des bateaux venant du sud de la Bretagne. Cependant, comme c’est souvent le cas dans ces parages, la météo en avait décidé autrement. Avec des vents de nord-est prévus la semaine précédente et de sud-ouest la semaine suivante, cela aurait signifié un voyage assez désagréable dans les deux sens pour les participants. Ainsi, la météo étant contre eux, seuls quatre multicoques se sont finalement rendus à l’événement : Bamatasi, Fleet, Nemo et Perros-Guirec.

L’engagement des Golden Oldies Multihulls


Les multicoques de course sont un paradoxe. Ils sont très coûteux, exigeants à mettre au point, mais commencent leur vie avec faste. Leur élégance et leur renommée captivent rapidement le public lorsqu’ils deviennent des légendes sportives. Mais au fil du temps, les avancées technologiques conduisent à de nouveaux trimarans et catamarans, forcément plus excitants pour les fans. Que se passe-t-il ensuite ? Que devient la génération précédente ? Ces anciens coursiers sont-ils comparables à des multicoques de croisière qui se transmettent au fil des ans à des Propriétaires qui n’ont pas le budget pour acheter un modèle neuf ou plus récent ?
Eh bien, ce n’est pas tout à fait la même chose, et c’est de là que vient l’association Golden Oldies Multihulls. Il s’agit d’une communauté composée de passionnés de multicoques qui ont marqué l’histoire du yachting ou qui illustrent une étape importante de l’architecture navale. La mission de l’association est de retrouver, sauver, restaurer et faire naviguer ces multicoques d’exception qui ont couru au cours des décennies passées. Elle n’a aucun but commercial, et ses membres sont tous bénévoles. Ils tiennent à souligner que, malgré leur héritage, ces embarcations ne sont pas destinées à être restaurées dans un état de concours et conservées comme des pièces de musée, mais plutôt à naviguer – comme tous les autres voiliers.

Trois jours de fête à terre et sur l’eau


La Golden Multi Roz s’est déroulée sur trois jours, dont le premier, le vendredi, était sur l’eau. Avec seulement trois multicoques au départ, il s’agissait plus d’une régate conviviale à la cool que d’une course acharnée. Mais tout le monde s’est régalé, et c’était exactement l’objectif.
Le samedi, tous les multicoques étaient à quai dans le port de plaisance, ce qui a permis au public de rencontrer les skippers et les équipages, de découvrir les bateaux, leur histoire et le travail de l’association. Tout au long du mois de septembre, une exposition de photos et de vidéos de ces multicoques pionniers et de leurs navigateurs a d’ailleurs été organisée à l’office de tourisme de la ville.
Une exposition de maquettes a également été présentée à la capitainerie.

Il est rassurant de constater les efforts de l’association des Golden Oldies pour sauver et entretenir une partie de notre patrimoine maritime, même si les unités présentes au Golden Multi Roz étaient toutes à taille humaine – c’est-à-dire qui peuvent être manœuvrées, sorties de l’eau, réparées, etc. par nous, simples marins, et par les chantiers navals habituels.
Mais qu’en sera-t-il des multicoques de course d’aujourd’hui, des foilers et des Ultim, qui nous semblent si futuristes aujourd’hui ? Que deviendront-ils dans 30 ou 40 ans ? Espérons que l’association sera là pour poursuivre son bon travail.
Et qu’elle y prendra toujours autant de plaisir !

Les multicoques de la Multi Roz : Trois trimarans signés Newick et une pirogue

Parmi les unités présentes, on a pu découvrir trois trimarans de course pas si différents les uns des autres, et la réplique d’une pirogue. La raison pour laquelle les trois premiers présentaient certaines similitudes est qu’ils ont tous été conçus par le légendaire architecte naval américain Dick Newick, auteur de certains des coursiers les plus célèbres des années 60, 70 et 80, dont Cheers et Moxie.

Perros-Guirec : Objectif Route du Rhum !

En longeant le haut du mur du port, construit il y a plusieurs siècles dans le granit rose local – roz étant le mot breton pour rose, et toute cette région étant connue sous le nom de Côte de Granit rose –, le premier de la bande que j’ai croisé était, à juste titre, Perros-Guirec. Anciennement appelé Black Cap, ce trimaran de 12 mètres a été construit dans un chantier naval de Trébeurden, le port le plus proche à l’ouest de Perros. Lancé en 2007, il a été construit à partir d’un sandwich de mousse PVC/verre/époxy, mais arbore désormais un gréement en carbone. Perros-Guirec est aujourd’hui skippé par Thierry Roger, l’un des piliers des Golden Oldies. Le changement de nom est intervenu lorsque l’association BlackCap a signé un partenariat avec le port de Perros-Guirec dans le cadre de ses efforts pour promouvoir l’élargissement de l’entrée de la marina. Thierry a déjà connu de beaux succès avec ce trimaran, se classant premier de sa catégorie lors de la course Cowes-Dinard. Le marin a désormais la Route du Rhum 2026 en ligne de mire.

 

Architecte naval : Dick Newick
Construction : 2007
Longueur : 11,86 m
Largeur : 4 m
Déplacement : 2 400 kg
Surface de voile au près : 78 m²
Thierry Roger, membre des Golden Oldies, à bord de son trimaran.
Thierry Roger, membre des Golden Oldies, à bord de son trimaran.
Perros-Guirec est toujours prêt à bouffer les milles !
Perros-Guirec est toujours prêt à bouffer les milles !

Nemo : En aluminium et composite

Un peu plus loin sur les pontons se trouvait Nemo, un trimaran Newick de 38 pieds appartenant à un couple franco-britannique, Matt Theobold et sa compagne Enora. La coque centrale est en aluminium, les flotteurs en composite. Le couple a acheté ce multicoque à l’état de quasi-épave en 2019 après l’avoir retrouvé abandonné dans un champ du Sud de la France. Les nouveaux Propriétaires n’ont pas pu résister et, trois jours seulement après l’avoir acheté, le multicoque était à flot et en route vers le Royaume-Uni. Matt et Enora l’ont fait régater tout en entreprenant progressivement des rénovations. Une tâche peut-être moins ardue pour le couple que pour le reste d’entre nous, Matt étant le responsable du chantier du Multihull Center (près de Plymouth, au Royaume-Uni), siège de la célèbre marque Dazcat. Il a passé la majeure partie de son enfance autour du chantier et a le multicoque dans le sang. Matt et Enora, à bord de leur Nemo, sont désormais des habitués de tous les rassemblements de multicoques du Sud-Ouest de l’Angleterre. Contrairement aux autres unités présentes, Nemo a profité de conditions de traversée de la Manche vers et depuis le Golden Multi Roz presque parfaites, leur port d’attache proche de Plymouth étant grosso modo situé au nord de Perros-Guirec.

 

Architecte naval : Dick Newick
Restauré : depuis 2019
Longueur : 11 m
Largeur : 8 m
Déplacement : 4 490 kg
Nemo a traversé la Manche pour assister à l’événement.
Nemo a traversé la Manche pour assister à l’événement.
Matt et Enora à bord de leur trimaran conçu par Dick Newick.
Matt et Enora à bord de leur trimaran conçu par Dick Newick.

Fleet : Le plan n°79 de Newick avait déjà des foils !

De l’autre côté du ponton se trouve Fleet. Ce trimaran Newick de 36 pieds fait partie de la famille « Echo », dont il existe plusieurs versions de tailles, de matériaux, de flotteurs et de coques centrales différents. Il est skippé aujourd’hui par Pierrick Tollemer.
Fleet est un Echo original datant de 2000, construit en bois-époxy avec flotteurs demi-lune et foils. Il est équipé d’un mât aile de grande section, également en bois-époxy. Il s’agit du plan no 79 de Newick – il y a eu 4 trimarans construits sur ce plan dans le monde, dont 3 en Nouvelle-Zélande, dont celui-ci, et le dernier aux Philippines. Refitté par le chantier français Technologie Marine en 2010, Fleet est unique en Europe. Dick Newick a conçu des flotteurs dont l’efficacité repose à la fois sur le principe d’Archimède lié à leur volume, et sur le principe de portance rendu possible par la vitesse du bateau. En avançant, le bateau propulse son flotteur sous le vent selon un angle qui lui permet de s’appuyer sur une surface portante, évitant ainsi que le flotteur ne s’enfonce dans les vagues. Il est aussi équipé de foils ! Ce sont des plans porteurs qui permettent également de soulager le flotteur. Newick les a imaginés dès 1962 avec son Lark. Malgré leur forme évidemment rudimentaire par rapport aux appendices que l’on voit sur les multicoques de course actuels, ils sont très efficaces.

Architecte naval : Dick Newick
Construction : 2000
Longueur : 10.8 m
Largeur : 8.84 m
Déplacement : 3,100 kg
Surface de voile au près : 60 m²
Certes, ces plans porteurs sont rustiques, mais il s’agit bien  de foils…
Certes, ces plans porteurs sont rustiques, mais il s’agit bien de foils…
Le beau temps était de la partie lors des visites à quai ; on remarque le design des bras de liaison uniques en ailes de mouette, typique de Dick Newick.
Le beau temps était de la partie lors des visites à quai ; on remarque le design des bras de liaison uniques en ailes de mouette, typique de Dick Newick.

Bamatasi : Pirogue de pêche samoane

Cette unité était très différente des autres. Conçue par Christian Campi, elle ne date que de 2022, mais nous devons ses origines à des marins visionnaires - certainement des siècles, peut-être des millénaires avant le travail de Dick Newick. Christian est un architecte naval et un grand spécialiste des pirogues d’Océanie. Il est intarissable concernant les différences entre les pirogues des différents groupes d’îles du Pacifique. Je suis sûr que, pour un œil non averti – le mien étant l’un d’eux –, il y aurait peu de différences entre les pirogues des îles Cook et celles des Samoa, des Tonga ou des Marquises… Christian, lui, peut expliquer ces différences, et surtout est capable de construire l’une de ces embarcations.
Le bateau qu’il a amené au Golden Multi Roz était Bamatasi, une pirogue de pêche samoane connue dans ses îles d’origine sous le nom d’amatasi ou de va’aalo. Elle a été décrite par les premiers découvreurs comme l’une des plus belles d’Océanie. Il y a deux ans, en même temps que la construction de Bamatasi, une reconstruction de cette pirogue historique était en cours aux Samoa. Les hautes autorités du pays ont assisté à son lancement ; ces embarcations tiennent une part importante de leur histoire retrouvée. La nôtre aussi, car c’est ici que les multicoques ont commencé. Pour l’anecdote, Dick Newick aurait cru à la réincarnation et aurait prétendu avoir été constructeur de bateaux polynésiens dans une vie antérieure. Bamatasi n’était donc peut-être pas si différent, après tout !

 

Architecte naval : Christian Campi
Construction : 2022
Longueur : 7,3 m
Largeur : 4 m
Déplacement : 100 kg
Surface de voilure : 10 m²
Bamatasi : une libellule dans le port  de Perros-Guirec.
Bamatasi : une libellule dans le port de Perros-Guirec.
La pirogue samoane conçue et construite par Christian Campi.
La pirogue samoane conçue et construite par Christian Campi.

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