Exocet Junior

Un catamaran unique pour 200 € !

Découvert sur le site de petites annonces LeBonCoin, ce petit catamaran construit en 1963 s’avère être un des derniers multicoques de cette époque en état de naviguer. A l’issue d’un chantier d’hiver, il a retrouvé sa fière allure, et ne manque pas de surprendre les amateurs avec sa soucoupe anti-chavirage et ses déflecteurs…

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Dans notre article Chic et Choque du MM207 consacré à Bernard Nivelt, le célèbre architecte évoquait la construction par son père d’un prototype de catamaran de sport, l’Exocet, dans le salon familial… Michel Nivelt et Lucien Gourmez collaboraient avec le chantier La Prairie – ce constructeur a donc lancé ce catamaran réalisé en polyester projeté et contreplaqué, un des tout premiers du genre. Auparavant, l’entreprise La Prairie, basée à Angoulême, était spécialiste de matériel de camping. Si le modèle standard était équipé d’un pont pliant pour le transport, son petit frère Junior se contentait d’un pontage en contreplaqué intégral d’un seul tenant bien plus rigide. Pas de trampoline, donc, mais une nacelle en bois étanche et très confortable. C’est là qu’inter- vient Olivier Quaneaux, un de nos lecteurs ; suite à la lecture de notre papier, il nous a contacté car il a justement déniché et restauré ce petit catamaran. Sa proposition ? Nous faire découvrir son Exocet Junior in situ – au Club de Voile de Castelnaudary. Pour être tout à fait honnête, je n’avais jamais encore entendu parler de ce spot – qui pourtant totalise pas moins de 800 adhérents ! Cette retenue d’eau artificielle a été créée en 1979 au sud de Castelnaudary afin d’assurer l’irrigation agricole. Le barrage, rehaussé de 3 mètres en 2007, porte désormais la surface de ce plan d’eau en Y à 500 hectares. Certes, il reste bien quelques troncs ici et là, mais la navigation est particulièrement agréable ici – beaucoup de vent et pas de moteurs thermiques.

Ancien fils de la brousse

Je repère rapidement Olivier et son chapeau (pas de brousse, mais presque !) ; notre lecteur a découvert la navigation en multicoque à Pointe-Noire, au Congo, pays où il a vécu jusqu’à son adolescence. Une passion qui n’a jamais quitté cet ancien « fils de la brousse » puisque, des décennies plus tard, basé près de Toulouse, Olivier alterne les virées en Méditerranée avec son Hobie 14 Turbo et les runs sur le plan d’eau de La Ganguise. Par hasard, il tombe en 2016 sur une annonce publiée LeBonCoin : un Exocet Junior en état de naviguer est proposé contre 200 €. Là, c’est le moment d’ouvrir une petite page d’histoire de la plaisance – en mode multicoque, évidemment – de l’après-guerre. Le modèle précurseur des catamarans légers modernes est sans doute Yvonne, imaginé en 1954 par les Australiens Charles Cunningham et son fils Lindsay. Ce modèle a donné naissance à une série toujours active aujourd’hui. Le deuxième catamaran bien connu est le Shearwater, mis à l’eau en 1954. Ce multicoque présente une tonture de pont marquée et des déflecteurs – des caractéristiques reprises par l’Exocet en 1957. La spécificité de ce plan Gourmez/Nivelt est qu’il se plie en deux pour réduire sa largeur de 2,35 m à 1,50 m pour le transport routier. Mais c’est, entre autres, ce système fragile qui nuira à la longévité de ce modèle. A notre connaissance, un seul un exemplaire en mauvais état a été référencé par les amis du Musée Maritime de La Rochelle. L’Exocet a été décliné en 1962 en version Junior, c’est-à-dire plus court et non pliable – c’est le catamaran qui nous intéresse aujourd’hui.

Pontage tout neuf en okoumé

Olivier tombe évidemment sous le charme de ce petit catamaran vintage à souhait – qui en plus a été construit l’année de sa naissance ! Le marin effectue une quinzaine de sorties sous voile avant de mettre sa nouvelle acquisition en chantier suite à la casse partielle de la structure du pont, un jour où le vent marin était en forme en Méditerranée – c’est cette avarie qui a imposé la mise en chantier, on parle ici de moins de 100 heures. Le garage est réquisitionné. Premier constat : une partie du pontage est abîmée et certains éléments de la structure supérieure sont eux aussi en mauvais état. Le barrottage en bois était en effet stratifié et agrafé pour être solidaire aux coques réalisées en polyester projeté. Mais, faute d’agrafes inox, la rouille a fait son œuvre, générant cloquages du polyester et pourriture voire casse de certains barrots. Le coffre, très exposé à l’eau stagnante, est à reprendre également. Sinon, pour le reste, c’est-à-dire les coques et les périphériques, ça va plutôt bien… Pendant l’hiver 2021/2022, Olivier s’attelle donc à une soigneuse reconstruction achevée par la mise en place d’un pontage tout neuf en okoumé. La résine époxy est bien sûr à l’œuvre pour assurer collage et durabilité de l’ensemble. Olivier baptise son Exocet Junior Boudu, « en référence au merveilleux film de Jean Renoir Boudu sauvé des eaux, où Michel Simon, clochard désabusé, se jette dans la Seine sous les yeux d’un bienfaiteur qui le sauvera et devra ensuite supporter ses irrévérences et satisfaire ses caprices ».

Soucoupe anti-retournement et voiles d’origine

L’Exocet Junior d’Olivier retrouve dès le printemps l’eau douce de La Ganguise ; c’est donc là que nous allons tester ce catamaran de l’époque des pionniers du multicoque. Attelée derrière la voiture, la remorque permet une mise à l’eau express sur la cale. Boudu a conservé son mât d’origine et sa galette anti-retournement – ce dernier élément, sorte de soucoupe volante en polystyrène, confère à lui seul la touche vintage à ce catamaran. Rajoutons également les déflecteurs d’étrave – ils sont bien utiles pour limiter les embruns et limiter les velléités d’enfournement de l’engin par forte brise, m’assure Olivier. Les voiles en tergal, elles aussi d’origine, sont gréées : elles affichent un improbable logo La Prairie. Le chantier naval, que nous vous avons présenté plus haut, était opérationnel dès 1961 – mais il a fermé en 1975 ! Gréer un voilier ancien est particulièrement facile et intuitif – voilà un élément qui participe à l’agrément général. Les coques de l’Exocet Junior, très légères, sont entièrement creuses. On peut y ranger du matériel. Ce n’est pas forcément idéal pour assurer une flottabilité « tout temps » (on peut y remédier avec 200 l de flottabilité avec des bouteilles), mais bien pratique pour la balade. Malgré le vent plutôt calme – il varie lors de notre sortie de 3 à 8 nœuds –, Boudu se révèle toujours véloce et manœuvrant. Les dérives garantissent une bonne accroche au catamaran, même en sortie de virement. Olivier a pu naviguer à son bord par bonne brise et constater que les carènes se prêtent parfaitement au planning. Pour le portant, le skipper dispose de son arme secrète : un joli spi de 470 (vert et orange, histoire de bien rester dans l’ambiance…) et un tangon en bambou !

Conclusion

Cet Exocet Junior présente un triple intérêt : il s’agit tout d’abord d’un modèle historique sans doute unique. Ce catamaran présente également l’intérêt d’offrir une navigation ludique et conviviale, accessible à tous. Pour ne rien gâter, ce petit catamaran permet de naviguer à moindre coût : l’achat et le matériel nécessaire à la restauration totalisent à peine 500 €. Qui dit mieux ?

Le jeu de voiles de ce 60e Exocet Junior est d’origine – 59 ans !  Le J sous l’emblème de  l’Exocet est bien sûr celui  de Junior.
Le jeu de voiles de ce 60e Exocet Junior est d’origine – 59 ans ! Le J sous l’emblème de l’Exocet est bien sûr celui de Junior.
Le plan de pont de l’Exocet Junior et ses cotes complètes établis par Olivier grâce à ses relevés.
Le plan de pont de l’Exocet Junior et ses cotes complètes établis par Olivier grâce à ses relevés.
La plaque du constructeur est bien sûr d’origine – l’année de la construction n’est plus lisible, mais elle est très probablement de 1963.
La plaque du constructeur est bien sûr d’origine – l’année de la construction n’est plus lisible, mais elle est très probablement de 1963.
Les agrafes qui assuraient la jonction entre les débords en polyester de la coque et le barrottage en bois ont rouillé, générant des entrés d’eau et de la pourriture.
Les agrafes qui assuraient la jonction entre les débords en polyester de la coque et le barrottage en bois ont rouillé, générant des entrés d’eau et de la pourriture.
L’Exocet Junior Boudu sort du garage d’Olivier avec son pontage tout neuf…
L’Exocet Junior Boudu sort du garage d’Olivier avec son pontage tout neuf…
 

Fiche technique

  • Constructeur : Chantier La Prairie
  • Architectes/concepteurs : Michel Nivelt et Lucien Gourmez
  • Matériau : polyester projeté et contreplaqué
  • Année de lancement : 1962
  • Production : environ 120 exemplaires
  • Longueur : 4,50 m
  • Largeur : 2 m
  • Poids : 110 kg
  • Matériau : polyester projeté et contreplaqué

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